Un peuple sauvé par sa peinture
Le drapeau aborigène : le rouge de la terre, le noir de la peau, le jaune du soleil.
Que serait-il arrivé si les hommes qui ont peint Lascaux et la Grotte Chauvet avaient eu à leur disposition les matériaux d'aujourd'hui: peintures, toile de lin, contreplaqué ?... Nul doute qu'ils auraient su créer des univers picturaux étonnants.
C'est ce qui est arrivé aux Aborigènes d'Australie.
Depuis des dizaines de milliers d'années le peuple aborigène célèbre la création du monde en peignant ses symboles sacrés sur les corps avec des pigments naturels, du charbon, du duvet d'oiseaux, des végétaux, en réalisant sur le sol de vastes fresques, en gravant les rochers et les objets cérémoniels, en chantant et en dansant, faisant ainsi revivre les mythes du répertoire inépuisable du Temps du Rêve
Mais voici qu'en 1971, alors que les tribus nomades du désert dépérissent depuis une dizaine d'années regroupées sans discernement dans le camp de sédentarisation de Papunya, un instituteur blanc, Geoffrey Bardon, ému par ce qu'il ressent de leur désarroi, propose aux initiés de reproduire leurs motifs rituels sur le mur de l'école.
Après quelques hésitations à livrer à tous les regards des symboles par essence secrets et sacrés, les anciens acceptent. L'initiative rencontre alors un tel succès que les Aborigènes se mettent à reporter leurs motifs sur tous les supports possibles avec des pigments naturels, puis avec de l'acrylique. C'est alors que Goeffrey Bardon leur propose peintures et toiles.
Ainsi naquit le mouvement de la peinture contemporaine du désert australien.
Exposées à Alice Springs, les oeuvres de l'école naissante de Papunya-Tula rencontrèrent tout de suite un grand succès et modifièrent radicalement le regard de l'Australie blanche sur l'art aborigène.
Depuis ce temps, et dans la dynamique de la lutte pour l'égalité des droits et la restitution des territoires ancestraux, d'autres communautés artistiques se sont créées dans le désert.
Instrument majeur de l'affirmation d'une culture, ces oeuvres sont depuis de nombreuses années, reconnues pour leur puissance en Australie et aux Etats-unis, mais aussi de plus en plus en Europe.
En France, l'ouverture du Musée du quai Branly qui présente une quarantaine de toiles de la peinture du désert a suscité un nouvel intérêt pour l'Art Aborigène.