La belle histoire des frères Tjapaljarri
En 1984, un événement bouleversa l'Australie et eut les honneurs de la presse dans le monde entier. Les journaux titrèrent : « On a retrouvé la dernière tribu ». Et en effet alors que tout le monde s'accordait à dire que plus aucun Aborigène ne menait la vie ancestrale depuis les années soixante, un petit groupe sortit du désert. Ses membres, de l'ethnie pintupi, n'avaient jamais vu d'hommes blancs et ignoraient tout de notre civilisation. C'est la mort de leur patriarche et leur nombre trop restreint (9 personnes) pour survivre au sein du désert qui les poussa vers leurs frères sédentarisés dans l'une des communautés les plus reculées du désert de l'ouest : Kiwirkurra.
Ce groupe était une famille composée de deux femmes adultes, mères de 7 enfants eux-mêmes jeunes adultes ou adolescents. Il s'agissait de quatre garçons (Warlimpirrnga, Walala, Tamlik (plus tard appelé Thomas) et Piyiti), et de trois filles (Yardi, Yikultji and Tjakaraia ). L'aîné, Warlimpirrnga, était un homme fait, dûment intié, et une forte personnalité. Il raconte sa réaction lorsqu'il vit les hommes blancs pour la première fois : «je ne pouvais pas le croire, je pensais que c'était un diable, un mauvais esprit, il avait la couleur des nuages au lever du jour ». Deux de ses cadets, Walala et Thomas, étaient encore des adolescents qui avaient néanmoins passé les premiers rites d'initiation. Le quatrième, Piyiti, ne put s'adapter à la vie sédentaire et quitta la communauté deux ans plus tard pour repartir dans le désert. De gauche à droite : Walala, Warlinpirrnga et Thomas Tjapaljarri, trois frères du groupe des neuf, peignent sur le thème Tingari. Chacun travaille un effet cinétique qui lui est propre pour évoquer l'aventure de la quête de la Loi qui fut donnée aux Hommes dans les temps ancestraux et son mystère.
Un médecin fut dépêché pour examiner le groupe des neuf, il les trouva « fort, minces et en très bonne santé ». Mais quelque jours plus tard, tous tombèrent malades... Ils n'étaient pas immunisés. Affolés, les leaders de la communautés pintupi, qui n'avaient aucune confiance dans les occidentaux, les empêchèrent les médecins de traiter les malades. Ils faillirent mourir et il y eut de sérieuses disputes entre les deux camps. A la fin, grâce à un médecin qui gagna leur confiance, le groupe des neuf fut sauvé.
A Kiwirkurra, les Pintupis sortaient d'une terrible période de vingt ans d'exil dans un camp éloigné de leur terre (Papunya). Cela faisait trois ans que les pouvoirs public australiens les avaient autorisé à revenir sur le territoire ancestral. Les rituels battaient leur plein dans les sites sacrés enfin retrouvés. Par ailleurs, ces Aborigènes, artistes nés, ramenaient de leur exil, une technique et des matériaux occidentaux : L'acrylique sur toile qu'ils devaient à un instituteur bienveillant, Geoffrey Bardon.
C'était les débuts du grand mouvement de la peinture aborigène.
Warlimpirrnga, imita bien vite les premiers maîtres de Papunya. et livra des toiles d'une grande force. Il fit sa première exposition en 1987 à Melbourne. Toutes ses oeuvres furent acquises par la National Gallery of Victoria qui les possède encore. Il incita ses cadets qui avaient reçu leurs motifs totémiques, à marcher sur ses traces.
Les six enfants devinrent des peintres.
Les trois garçons Warlimpirrnga, Walala et Thomas, en particulier, gagnèrent une reconnaissance internationale sous le nom des Frères Tjapaljarri. Ils évoluèrent, en trois styles bien distincts, vers une abstraction cinétique, pour rendre compte de la puissance et du mystère des mythes Tingari.
Toute la famille - à l'exception de Piyiti - vécut longtemps à Kiwirkurra et plusieurs y sont encore. Lorsque les deux mamans du groupe décédèrent, elles étaient âgées d'environ soixante-dix ans.
On ne revit jamais Piyiti. Il était parti en secret et avait pris soin de brouiller ses traces. Certains pensent qu'il vit toujours dans le désert.