Le Rêve de glace de Eileen Napaljarri
Ce tableau représente le principal site de rêve du père d'Eileen, « Tjitturrnga dreaming » (Rêve de glace), qui se trouve à l'ouest de Kintore dans le pays des collines de sable, (« Tali Tali »). Ce rêve fait référence à un temps terriblement froid (dernière glaciation?) qui fut à l'origine de la création du feu par les ancêtres Tingari.
Tingari désigne un peuple mythique, venu de la mer et qui migra vers le centre de l'Australie, arriva dans la région du lac Mac Kay, façonna le paysage, créa les rituels et donna la loi aux Hommes.
La palette chaude que l'artiste est là pour évoquer des charbons ardents provenant d'un feu de camp. C'était une pratique courante pour la famille de passer des nuits allongés avec des braises soigneusement placées de chaque côté pour se réchauffer. Il était courant de présenter, au matin, quelques brûlures dues à la proximité des braises, ce qui arrive encore aujourd'hui, de nombreuses personnes préférant dormir au coin du feu plutôt qu'à l'intérieur.
Les températures dans le désert tombent souvent bien au-dessous de zéro en hiver et, sans abri, ni vêtements ou peaux d'animaux pour les couvrir, le feu et les chiens étaient le seul moyen de se maintenir au chaud.
Membre de la communauté artistique de Kintore (à la frontière entre les Territoires du Nord et l'Australie Occidentale), Eileen fait partie du groupe des Pintupi dont les membres, chassés de leurs terres ancestrales par la colonisation, avaient été regroupés dans les centres de peuplement du désert central et ont longtemps vécu dans la région de Papunya, lieu où la peinture aborigène contemporaine naquit dans les années 1970. Son père, Charlie Tararu Tjungurrayi, fut d’ailleurs l’un des membres fondateurs de la Papunya Tula Artists.
Ces toiles sont dédiées au site rituel de Tjiturrulpa situé un peu à l’ouest de Kintore et lieu de naissance du père de l’artiste.
L’endroit est situé dans un ensemble de collines rocheuses elles-mêmes entourées de dunes de sables et ce sont ces dunes (lignes) que l’artiste représente comme si elle les voyait du ciel conformément à la tradition « satellitaire » d’une grande partie de la peinture du désert. Mais c'est aussi selon Eileen les branches de bois mulga, abondantes en ce lieu, dont les ancêtres firent des outils (lances, bâtons, plats…) en les durcissant au feu.
La technique est, elle, inspirée du « dot painting » ou « pointillisme » typique de cette même peinture inspirée à l’origine par les peintures sur sol réalisées à l’aide de l’extrémité d’un bâtonnet trempé dans des pigments naturels.
La palette de l’artiste reste est vive pour dire la splendeur d’un territoire vibrant de vie et le célébrer dans tout l’éclat qu’il avait au Temps mythique du Rêve (ou Dreamtime) quand les Ancêtres « Tingari » le parcouraient hommes, femmes et jeunes.